Comment ça a commencé

Durant mon adolescence, je ne me contentais que d’un parfum : 1 Million de Paco Rabanne. Il faisait l’affaire pour les fêtes et autres occasions.

L’amour des odeurs ne m’est pas venu directement des parfums. C’est par les compositions parfumées de thés des maisons comme Dammann Frères ou Mariage Frères que j’ai découvert un amour des odeurs et leurs compositions :

  • Pleine lune de Mariage Frères pour un thé gourmand et épicé, parfait pour un soir d’hiver.
  • Bali de Dammann Frères, floral et exotique pour nous transporter ailleurs en été.

Le thé est le médium par lequel j’ai pris goût à identifier les notes et les groupes auxquels elles appartenaient. Et c’est tout à fait logique, car lorsque l’on boît un thé parfumé, c’est surtout via le sens de l’odorat que l’on profite des notes venant de la composition.

Je ne considérais alors le parfum que comme un bien de consommation, je ne soupçonnais pas les processus artistiques qui peuvent intervenir dans leur formulation. Je me suis rendu compte de la beauté des parfums quand j’ai découvert Un jardin sur le toit d’Hermès, une composition très jolie, herbeuse et fruitée, bien qu’éphémère.

J’ai alors bien profité de cette bouteille du parfum d’Hermès jesqu’à sa fin. Lorsqu’il était temps de trouver un autre parfum pour les occasions, j’ai fait les découvertes de Aqua Allegoria Forte Nerolia Vetiver et Philosykos, deux parfums donnant une vive impression de soleil et de chaleur d’été, et alors j’ai développé une petite obsession pour découvrir la palette des impressions que les parfums pouvaient donner.

Ce qui m’attire dans les parfums

J’ai toujours été attiré et intrigué par ce que pouvaient évoquer les parfums. L’odorat peut, lors de sa stimulation, nous informer de nombre de choses. D’objets (souvent comestibles), de dangers ou même de souvenirs, l’odorat est un sens qui peut être fortement stimulateur en termes d’émotions. Et pas toujours pour le meilleur 😵‍💫.

Ce qui me plaît dans les parfums, c’est comment ils peuvent sans crier garde sortir un souvenir poussiéreux de votre bibliothèque olfactive, et les émotions qui peuvent l’accompagner. Un parfum peut stimuler l’imagination, nous transporter ailleurs, nous évoquer un lieu, une météo, une scène tout entière.

Il existe par exemple la catégorie des parfums “église”, qui rappelleront l’encens qu’on peut y sentir au sein des froides pierres.

De parfums gourmands, qui évoqueront un assortiment de pâtisseries et autre nourriture plaisante.

Et il y a aussi les parfums abstraits, qui porte des associations d’odeurs jamais faites dans la nature, créant comme de nouvelles couleurs, qu’on ne peut rattacher à aucune des odeurs qu’on connaît.

C’est cet aspect du parfum qui m’intéresse. Le sens de l’odorat est important pour moi et comme pour les autres sens, j’aime explorer les possibilités et surprendre mon nez avec des découvertes olfactives.

Ce qui me plaît moins dans les parfums

Les parfums sont indissociables du milieu où ils sont développés, c’est à dire principalement des secteurs commerciaux du luxe et ses marques. Par conséquent, le parfum représente souvent un coût important. Et ces dernières années les marques, constatant que l’engouement, depuis environ la fin de l’époque où le COVID battait son plein, est de retour pour les parfums, orchestrent une inflation des prix à l’unison.

Heureusement certaines marques qui proposent de bonnes compositions à prix corrects subsistent, comme Fragonard ou Lalique, pour ne citer qu’eux. Mais ces maisons sont exceptionnelles.

De plus, l’industrie du luxe n’est pas seulement un fiasco sur les marges, mais aussi sur le plan social. Un reportage de la BBC de mai 20241 a montré que certaines sociétés de cultures et récolte de matières premières, destinées à la production, tirent profit de main d’œuvre d’enfants. C’est le cas du jasmin d’Égypte utilisé dans les parfums de la marque Lancôme, par exemple, comme expliqué dans le reportage.

Les parfum des grandes marques étant un objet bénéficiant d’un marketing très fort, il véhicule ainsi des esthétiques, des idées. Ce qui me déplaît, c’est la séparation nette que ces marques font entre les compositions en fonction du genre cible. Accorder un genre à des notes et odeurs ne fait aucun sens à mon avis, et fait émerger des idées crasses, comme le terme “pantydropper”, désignant les parfums qui rendraient folle les femmes le sentant, comme s’ils avaient un pouvoir sur le consentement des personnes. Voir disparaître le genre du marketting des parfums serait pour moi bienvenu, et ce serait probablement le signe d’un progrès sur la vision sociétale sur le genre et l’abolition des attentes qui y sont associées.

C’est d’ailleurs ce que j’apprécie dans la parfumerie de niche, pour beaucoup de compositions aucun genre n’est visé, et on sort des carcans posés par les grandes marques voire on joue avec pour créer des associations étonnantes et jamais essayées.

Mes petites fragrances chéries

Voici une petite mise en avant des parfums qui m’ont marqué et qui figurent parmi mes favoris.

Aqua Allegoria Forte Nerolia Vetiver, Guerlain

Photo du flacon de Nerolia Vetiver

Photo du flacon de Nerolia Vetiver, Entenradio sur Parfumo

C’est le premier parfum que j’ai acheté, et qui m’a piqué avec Philosykos pour en découvrir plus.

Ce parfum est une merveille, et m’a vraiment retourné la tête le jour où je l’ai pour la première fois senti. Il m’évoque un lieu baigné d’une lumière dorée, où des fleurs d’oranger viennent se faire butiner, et la chaleur du soleil fait s’unir les odeurs des fruitiers, des fleurs, du pollen, des bois s’y trouvant pour faire une magnifique symphonie solaire.

Malgré les nombreux parfums que j’ai essayés et appréciés, je reconnais que Nerolia Vetiver est celui qui se rapproche le plus d’un parfum signature. Je ne me lasse jamais de le porter, et mon copain, ma famille et mes collègues semblent l’identifier comme tel.

Philosykos, Diptyque

Photo du flacon de Philosykos

Photo du flacon de Philosykos, Tahnee sur Parfumo

Remise en contexte : Lorsqu’on était en voyage à Francfort avec mon copain, une après-midi chaude on a décidé de s’abriter sous les clims d’un grand magasin de la chaîne Galeria.

Faisant notre petit tour, je remarque un ilôt dédié à une marque que je ne connaissais jusqu’ici pas du tout : Diptyque. Je remarque leurs flacons de parfums sobres mais qui me plaisent beaucoup.

J’essaie alors quelques parfums, jusqu’à tomber sur Philosykos. CHOC ! Je suis bouleversé par le réalisme du parfum, véritablement transporté dans un lieu imaginaire baigné de soleil, où un arbre fruitier diffuse ses douces odeurs. L’illusion était parfaite. Mon copain aussi est immédiatement séduit. Totalement charmé de cette découverte, je prends une photo pour ne pas oublier le nom !

Le flacon de Philosykos parmi d’autres de la gamme Diptyque

Et quelques mois plus tard je profite d’un passage à Paris pour l’acheter !

Pour tenter de le décrire : c’est une odeur de figue, mais qui se concentre sur l’expérience olfactive complète du figuier et non seulement du fruit ouvert. On sent le musc du bois, le piquant vert de la feuille, et le sucré doux du fruit, en arrière plan, comme s’il n’était pas encore ouvert. Je vous conseille de le sentir au moins une fois, c’est grisant tant l’odeur est réaliste. Et porter cette odeur c’est vraiment une expérience toute autre qu’avec les autres parfums. C’est comme une bulle médittéranéenne qui nous entoure.

Ces jours-ci hélas mon nez perçoit surtout les parties vertes et boisées du parfum, plus trop la figue. Mais tout ça peut revenir en faisant une pause de quelques jours 😉 (c’est la galère pour en faire 😂)

Depuis cette rencontre, j’ai une haute estime de la marque Diptyque et de sa philosophie pour ses parfums. Do Son et Tam Dao sont deux autres exemples de compositions qui font très naturel, magnifiques.

L’Heure Bleue, Guerlain

Photo du flacon de L’Heure Bleue

Photo du flacon de L’Heure Bleue, Plotterpanik sur Parfumo

Quand j’ai pulvérisé L’Heure Bleue pour la première fois, j’ai su que je l’avais déjà rencontré quelque part. Lors de son ouverture, le parfum donne le ton, les notes épicées très nettes me rappellent les vieilles personnes qui le portaient. C’est comme ça que j’identifie les classiques, quand l’odeur me rappelle de vieilles personnes que j’ai connues. Cela leur donne un charme, on s’imagine l’époque où on sentait ces parfums partout. Et bien que je me disais d’abord qu’ils ne seraient pas pour moi, car trop datés dans leur style, ils ne voulaient pas quitter mes pensées !

L’Heure Bleue, une fois l’ouverture épicée passée, c’est un accord floral très net qui ressort. Son piquant l’approche d’un encens dans mon esprit, et son aspect poudré lui confère une élégance sublime. Je ne me lasse jamais de le porter et de redécouvrir de nouvelles facettes lors de son évolution sur ma peau. Et après quelques heures, l’heure bleue donne place à une douce nuit vanillée.

Je n’ai pas encore trouvé d’occasion où je me suis refusé de le porter, il convient vraiment à chaque fois, tant qu’il est dosé en accord.


  1. Ahmed ElShamy et Natasha Cox, Luxury perfumes linked to child labour, BBC finds, BBC Eye Investigations, 2024 (article) ↩︎